La prescription
- DéfintionLa prescritpion, dit l'article 2219 du Code civil, est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi.
Il existe deux sortes de prescriptions :
- la prescription acquisitive (aussi appelée l'usucapion) qui permet d'acquérir un droit;
- la prescription extinctive (ou libératoire), qui permet de se libérer d'un droit dont on subit les effets.
Ces deux prescriptions ont des points communs, l'écoulement d'un certain laps de temps. Mais elles ont également d'énormes différences : la prescription acquisitive est relative seulement à la propriété des choses et aux droits réels, la prescription extinctive s'applique à tous les droits patrimoniaux, réels et personnels.
Les délais :
- Les délais de prescription sont en général fort longs (droit réel), ils peuvent aller jusqu'à 30 ans (art. 2262 du Code civil)
- Il existe également des courtes prescriptions (Voir banques de jurisprudence).
- Les délais peuvent être suspendus dans certaines hypothèses (Voir art. 2251 et suiv.)
- Il suffit d'une citation en justice, parfois d'une notification, pour interrompre le délai.
- La prescription ne joue jamais d'office (art. 2223 du Code civil).
L'institution de la prescription est d'ordre public (DePage et Dekkers, t. VII, n° 1134). Il n'est pas au pouvoir des particuliers d'en méconnaitre l'existence. Un sujet de droit ne pourrait d'avance renoncer à la prescription (art. 2220, initio).
Mais on peut renoncer à en profiter, on peut ainsi renoncer à la prescription acquise, et en ce sens, elle n'est pas d'ordre public.
Ce qui intéresse la société, c'est que les actions en justice aient un terme.
En vertu de cette règle, il est interdit aux parties :
- de déclarer un droit imprescriptible
- de renoncer d'avance à la prescription(art. 2220).
- de prolonger les délais légaux.
Mais personne n'est tenu de profiter de l'avantage que la prescription lui procure.
Aussi est-il permis aux parties de renoncer à la prescription, après qu'elle est accomplie (art. 2220 du Code civil), d'abréger les délais légaux, de les suspendre.
Prescription acquisitive
La prescription acquisitive est un mode originaire d'acquérir un droit réel (le droit de propriété, au premier chef, mais aussi l'usufruit, l'usage et l'habitation, la superficie et l'emphytéose et certaines servitudes) par le moyen d'une possession de ce droit, à certaines conditions et moyennant l'écoulement d'un certain temps.
La prescription doit donc porter sur un bien susceptible de possession.
Le fondement de la prescription acquisitive est l'utilité publique, en palliant aux difficultés de preuve, en dispensant le possesseur d'un bien d'établir autrement l'existence de son droit. L'intérêt social est d'accorder la préférence à celui qui a fait frucctifier le bien plutôt qu'à celui qui a négligé de réagir en temps utile.
Conditions pour usucaper:
- Existence d'une possession véritable
Puisque la prescription suppose une possession, le simple détenteur ne peut invoquer le bénéfice de l'usucapion (prescription acquisitive).
Le vendeur qui, après la cession de l'immeuble, continue à occuper le bien vendu, a la qualité de détenteur et non de possesseur. Il ne peut donc en principe en (ré)acquérir la propriété par usucapion.
- Possession utile
Pour permettre la prescription, la possession doit revêtir les caractères énoncés par l'article 2229 du Code civil: la possession doit être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et «à titre de propriétaire» . C'est à dire se comporter comme un véritable propriétaire.
A chacune de ces qualités correspond un vice: la discontinuité, la violence, la clandestinité et l'équivoque.
La cour d'appel de Mons a rappelé que le caractère continu de la possession doit être apprécié de manière relative:
" le possesseur doit se comporter comme tel dans toutes les occasions et à tous les moments où il peut raisonnablement exercer sa possession. Citant l'enseignement du Professeur Hansenne, la cour rappelle: «Il n'est [...] pas requis que la mainmise soit constante et sans intermittence: la possession doit être continue et non continuelle; il suffit que le propriétaire se comporte comme le ferait le propriétaire ou le titulaire du droit réel possédé. S'exerçant suivant la nature de la chose possédée, la possession peut rester continue tout en ne se révélant que par des actes de jouissance réalisés à des intervalles plus ou moins éloignés".
La possession est équivoque lorsque les actes qui constitueraient la possession peuvent être la manifestation d'un droit autre que celui qui fait l'objet de la prétention du possesseur.
La Cour de cassation dans un arrêt du 7 septembre 2001, a décidé que n'est en revanche pas équivoque, la possession qui se fonde sur la croyance partagée par tous que la parcelle litigieuse faisait partie intégrante de la propriété acquise par les nouveaux occupants.
Le juge de paix de Zottegem a eu à trancher un intéressant cas d'équivocité de la possession immobilière. Pour échapper à une demande en déguerpissement des lieux pour occupation sans titre, l'occupant d'un immeuble avait prétendu avoir acquis par usucapion un droit d'habitation sur l'immeuble.
Après avoir rappelé que le droit d'habitation peut être acquis par usucapion, le juge de paix a décidé que la prétendue possession sur laquelle le défendeur fondait la prescription invoquée était équivoque.
Le juge a considéré que, compte tenu des liens familiaux existant entre les parties, l'usage concédé au défendeur pouvait également s'interpréter comme étant une simple tolérance accordée à l'occupant de l'immeuble et que, partant, la «possession» était équivoque.
Rappelons à cet égard que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.
Prescription immobilière abrégée - Juste titre
Les articles 2265 à 2269 du Code civil organisent une prescription abrégée lorsqu'une personne « acquiert de bonne foi et par un juste titre un immeuble ».
La prescription est alors acquise par dix ou vingt ans, selon que le véritable propriétaire est ou non domicilié dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé.
Le possesseur de «bonne foi» au sens de l'article 2265 du Code civil est celui qui, au moment de l'acquisition de l'immeuble, avait la croyance légitime de l'avoir acquis de son véritable propriétaire.
Le «juste titre» est celui qui eût été apte à transférer au possesseur la propriété immobilière (ou tout autre droit réel immobilier) s'il n'y avait eu un défaut de titularité dans le chef de l'aliénateur.
Dans un arrêt du 7 septembre 2001, la Cour de cassation a été amenée à préciser celle notion de «juste titre».
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