Abus de droitPour accéder à l'arborescence des banques de jurisprudence : [Cliquez ici]Notion d'abus de droit Si nous sommes tous titulaire de droits, leur exercice n'est pas pour autant discrétionnaire et absolu. Il nous est donc pas permis de les exercer de n'importe quelle manière. Il faudra dans certaines circonstances faire preuve d'une certaine mesure dans leur exercice, afin de ne pas créer un déséquilibre anormal. On considère que nos droits font partie d'un système global dont la raison ultime est de réaliser une harmonie dans nos rapports sociaux. Les pouvoirs qui sont accordés par la loi à une personne ne le sont donc pas sans limite. Mais, si on peut sanctionner l'usage abusif d'un droit subjectif, ce n'est pas pour autant nier le droit lui-même. Dans le précis de droit civil de René Dekkers, on peut lire : "Abuse de son droit, quiconque s’en sert à d’autres fins qu’à celles auxquelles la loi le destine. Ainsi, l’abus de droit peut s’apparenter au détournement de pouvoir". Ici, on détourne le droit de sa finalité sociale. Mais certains estiment que cette définition n'est pas pertinente, et constatent qu'il n'est pas toujours aisé d'identifier toutes les finalités d'un droit. Mr Dekkers poursuit : "Tout droit subjectif (par ex. le droit de propriété) est un instrument que la loi nous donne pour protéger un intérêt qu’elle juge respectable. User de son droit, c’est donc s’en servir pour la défense de cet intérêt. Abuser de son droit, au contraire, c’est s’en servir dans un autre intérêt, souvent pour nuire à un tiers, ou à tout le moins sans aucune considération pour les tiers". Ainsi, tant la faute intentionnelle, voir la faute commise dans l'intention de nuire, que la simple faute par imprudence ou négligence devront être prises en considération dans l'abus de droit. L'idée est donc de considérer qu'il y a également abus de droit dès l'instant où le sujet n'a pas exercé son droit conformément à ce que l'on peut attendre du bon père de famille normalement prudent et diligent. Dans un arrêt de principe du 10 septembre 1971 (Pas., 1972, I, 28), la Cour refuse clairement de limiter l'abus de droit à l'hypothèse où le droit est exercé dans la seule intention de nuire. Par ailleurs, elle généralise le propos, en adoptant un critère de l'abus qui fera d'ailleurs fortune. L'abus de droit est défini comme l'exercice de ce droit d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente. Nous examinons tous ces cas particuliers dans nos banques de jurisprudence.
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Dans un arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 1992, « il y a abus de droit lorsque l’avantage recherché ou obtenu par la partie qui exerce ce droit est disproportionné par rapport au préjudice causé au contractant. Ainsi, cet avantage recherché ne doit pas être disproportionné au préjudice causé, mais cette disproportion ne résulte pas nécessairement d'une intention de nuire de la part du titulaire du droit subjectif (Voir banques de jurisprudence).
Ainsi en matière immobilière, une demande de démolition d'une construction empiétant légèrement sur le fonds du voisin, pourrait être jugée abusive si l'avantage recherché par le propriétaire est en disproportion avec le préjudice que l'on fait subir au constructeur. Sera également jugé d'abus de droit, le propriétaire qui fait édifier une construction dans la seule intention de masquer les vues de son voisin (dépassement du droit). En matière contractuelle, le principe utilisé est que chaque partie doit exécuter ses obligations de bonne foi. En matière de baux, l’abus peut donc résulter du choix du bailleur de poursuivre l’exécution forcée du bail, plutôt que la résolution, lorsque l’avantage retiré de cette exécution est sans commune mesure avec l’inconvénient subit par l’autre partie. C’est donc le choix, sans avantage marquant, de la voie la plus préjudiciable à l’autre partie qui créé l’abus. Mais pour apprécier le caractère abusif ou non du maintien de la location sollicitée par le bailleur, le juge saisi devra mettre en balance les intérêts en présence. Selon la Cour (Arrêt du 10/09/1971) : Il s'agit en l'espèce de l'érection d'un mur qui empiète légèrement sur la propriété du voisin. "Le droit d'exiger la démolition à la suite de l'appropriation illicite du bien d'autrui par un tiers, ainsi que le droit de propriété dont ce droit de démolition sanctionne la violation, sont susceptibles d'abus; "que pareil abus peut résulter non seulement de l'exercice d'un droit avec la seule intention de nuire, mais aussi de l'exercice de ce droit d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente". "Attendu que, tenant compte de ce que cette situation existe depuis 23 ans, de l'importance limitée du dommage et sa disproportion avec le préjudice qu'une démolition éventuelle causerait aux défendeurs, le tribunal a pu considérer que, dans les circonstances présentes, exiger la démolition dépassait manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente, et en déduire qu'en l'espèce l'appropriation d'une étroite bande de terrain devait être réparée, non en nature, mais par une allocation de dommages-intérêts proportionnés au préjudice subi".
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