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Les distances des plantations

Dispositions légale : [Code rural]

Distances des plantations – Problématique

Les plantations constituent souvent une source abondante de différends entre voisins. S'il existe des distances légales à respecter, des plantations régulières peuvent dans certaines circonstances susciter des inconvénients pour le voisinage.
Dans certain environnement, surtout en milieu urbain, un équilibre doit souvent être trouvé entre le droit légitime du propriétaire de disposer d'un jardin arboré et verdoyant, et d'autre part, le droit du voisinage immédiat de pouvoir bénéficier d'une jouissance normale de leur habitation, en leur préservant un certain degré de luminosité et d'ensoleillement normal.
Ainsi, chaque propriétaire devra avoir la maîtrise de l'ampleur de la végétation qu’il aménage, et cela afin de ne pas compromettre les qualités de vie du voisinage.

Chaque voisinage a en effet le droit de pouvoir en principe profiter, en fonction de la situation de chaque habitation, d'un ensoleillement et d'une luminosité généralement cités comme sources d'équilibre psychologique. Que lorsque des jardins et une partie d'habitation sont anormalement privés de lumière aux périodes les plus sombres de l'année, ce trouble excède les inconvénients normaux de voisinage.
Ainsi s’exprimait la 16ème chambre du tribunal civil de Bruxelles, dans un jugement rendu le 13 novembre 2000, estimant que tout jardin bien orienté est en droit de pouvoir profiter du soleil et de la lumière durant toute l'année.

Mais quelles sont les distances légales des plantations ?

A défaut d'usage constant, c’est le code rural qui détermine les distances auxquelles les plantations doivent être effectuées,
Les dispositions de l’article 35 du Code rural précisent que la distance des plantations situées près de la limite séparative de deux fonds est de deux mètres pour les arbres de haute tige et de 50 cm pour les autres arbres et haie vives, et cela à défaut d’usage constant et reconnu.

Ces distances ont été fixées afin d’éviter des dommages et troubles anormaux de voisinage. Ainsi, à défaut de respecter ces distances, les plantations seront présumées provoquer certaines nuisances : " perte d’ensoleillement, chute de feuilles, dégradation provoquée par le système radiculaire, etc.).

Rappelons qu'un règlement communal d'urbanisme, pris sur base des articles 76 et 78 du Cwatup pourrait également imposer d'autres distances de plantations.

D'autre part, les dispositions légales ne sont pas d'ordre public mais privées, des conventions particulières, encore appelées des servitudes établies par le fait de l'homme, pourraient également imposer des distances différentes.

Les dispositions légales ont donc un effet préventif, à savoir éviter un trouble actuel ou futur de voisinage.
On considère qu'il faut tenir compte des propriétés gênantes des arbres une fois arrivés à leur plein développement.
Les dispositions légales ont donc un objectif préventif.

L'article 36 du même code précise également que " le voisin peut exiger que les arbres, haies, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés ».
Certains estiment cette sanction sévère, étant donné que le voisin n'a même pas à établir l'existence d'un préjudice pour faire arracher les arbres. Un arrêt de la Cour de cassation du 30 avril 1981 confirme que pour exiger l'arrachage de plantations illégales, le demandeur n'a pas à fournir la preuve d'un préjudice, sous peine d'ajouter à la loi une condition qui ne s'y trouve pas.

Toutefois, souvent la jurisprudence tempère ce principe, et les juges proposent un aménagement aux arbres plantés illégalement, lorsque c'est possible, surtout lorsque ceux-ci présentent une haute valeur ajoutée. Dans son appréciation, le juge tiendra compte des propriétés gênantes de l’arbre et notamment dans son développement normal : sa hauteur, le développement de la couronne, son système radiculaire, son feuillage, etc.

D’autre part, un arbre est de haute tige lorsqu’il est planté isolément, mais peut devenir un arbre de basse tige, s’il est incorporé dans une haie, à condition qu’il soit taillé de manière appropriée.

L'interdiction de planter à une distance inférieure à celle prévue par l'article 35 du Code rural est considéré comme une servitude légale continue et apparente, au profit du propriétaire du fonds dominant.
Il résulte de la jurisprudence, qu'une possession de plus de trente ans d'un arbre planté irrégulièrement mène à l'acquisition d'une servitude réelle consistant dans le droit d'avoir des arbres à distance inférieure à la distance prévue par le Code rural.

Le juge de paix de Vielsalm rappelle "qu'en Belgique, la loi a abandonné aux tribunaux la mission de reconnaître dans chaque cas d'espèce un arbre à haute tige ou à basse tige".
La doctrine et la jurisprudence ont estimé que ce n'est pas l'essence de l'arbre qui déterminera le type de plantation (haute ou basse tige), mais le critère de l'aménagement.
Cette solution permet ainsi d'éviter l'arrachage systématique d’arbres de haute tige, en permettant au propriétaire du fonds servant, un aménagement approprié d’arbres présentant une haute valeur ajoutée.

Rappelons, que l’arrachage ou la modification d’arbre ou de haies « remarquables », impose un permis d’urbanisme lorsque ces éléments figurent sur la liste établie par le gouvernement (CFr. CWATUP, art. 84, § 1er, al. 1, 11°).

Les dispositions de l’article 34 du Code rural consacrent une présomption juris tantum selon laquelle les arbres plantés sur la limite séparative ainsi que ceux qui sont plantés dans une haie mitoyenne sont mitoyens.
Ces dispositions précisent également que chaque voisin a le droit d’exiger que les arbres mitoyens soient arrachés, sous réserve d’abus de droit dans le chef d’un des copropriétaires.
L'article 34 alinéa 3 du Code rural autorise, par ailleurs, le copropriétaire d'une haie mitoyenne à la détruire jusqu'à la limite de sa propriété pour autant qu'il construise un mur sur cette limite. Le voisin pourra toujours faire valoir son droit au rachat de la mitoyenneté du mur (art.661 c.c.).

Indiquons, que suivant les dispositions de l’article 35bis§5 du code rural, dans les parties réservées à l’agriculture, il n’est pas permis de procéder à des plantations forestières à moins de six mètres de la ligne séparative, sans voir obtenu l’autorisation du collège des bourgmestre et échevins.

Usages locaux

Ces distances peuvent donc variées selon qu’il existe ou non des usages locaux.
Suivant les dispositions de l’article 35, pour qu’un usage soit constant et reconnu, il doit être certain, public, stable et régulièrement appliqué.
Ces critères sont laissés à l'appréciation du juge.

Sur la nécessité d’une application régulière et effective de l’usage local, la décision du Tribunal Civil Huy, jugement du 6 novembre 1985 (Cfr. banques de jurisprudence).

Rappelons, que la distance doit être calculée à partir de l’axe médian de l’arbre à la limite séparative des fonds (Cfr. Justice de paix d’Auderghem, jugement du 21 août 1990).
Les distances légales de plantation ne sont pas d’ordre public, deux voisins peuvent donc convenir librement par titre des distances différentes.

En cas de non-respect des distances légales, les dispositions de l’article 36 du Code rural prévoient que le voisin (fonds dominant) victime d’une illégalité peut exiger que les arbres, haies, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés, et cela aux frais de l’auteur des faits.

Mais cette sanction n’est pas automatique, et l’abus de droit peut s’appliquer dans certaine circonstance.
Bien souvent, l’étêtage et l’élagage permettront de trouver une solution satisfaisante.


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